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A la veille du premier tour de la Présidentielle, Sciences et Démocratie vous invite à prendre connaissance des propositions des candidats en matière de science, de recherche, d'innovation... et de précaution. Nous vous proposons ici une synthèse des réponses des candidats aux questions que le collectif Votons pour la science* leur a posées. Nous nous sommes concentrés sur les questions de risque et de démocratie participative, récurrentes dans les débats autour des sciences, qu'on pense aux OGM, au nucléaire, aux nanotechnologies... Vous trouverez les réponses complètes des candidats sur www.votonspourlascience.fr.
Nathalie Arthaud, Lutte ouvrière
La position de Nathalie Arthaud vis-à-vis des controverses science-société est sans concession : « L’idée que dans la société actuelle, les choix majeurs de technologies puissent être tranchés par un authentique débat public me paraît procéder d’une illusion – pour ne pas dire d’une grande naïveté ». Pour elle, il faut d'urgence « instaurer un authentique contrôle de la population, en particulier salariée, sur la marche des entreprises - en levant en particulier le "secret commercial", ce voile légal derrière lequel s'abritent toutes les malversations et toutes les opérations d'intoxication de l'opinion publique ».
Philippe Poutou, NPA
N'a pas répondu.
Jean-Luc Mélenchon, Front de gauche
Pour Jean-Luc Mélenchon, ce sont les Fronts de Gauche de la planification écologique et de l’enseignement supérieur et de la recherche qui ont répondu aux questions de Votons pour la science.
Face aux polémiques que suscitent certaines applications des sciences (OGM, nanotechnologies...), ils soulignent l'importance de « maîtriser socialement les technologies nouvelles » et de « définir un certain nombre de règles permettant d'appliquer le principe de précaution entendu au sens d'un principe d'action raisonnée, et non seulement comme un principe d’abstention ».
Sur le débat public et le rôle du citoyen, ils considèrent que « nous devrons encadrer institutionnellement l’organisation de l’indispensable débat de société sur la nécessité d’une politique active de prévention des risques. [...] Le nombre de problèmes, notamment technologiques, nécessitant débat national est en train d’augmenter. L’actuelle Commission Nationale du Débat Public n’est pas en situation aujourd’hui de pouvoir faire face à cet ensemble de responsabilités en forte augmentation. Il est nécessaire que les débats prennent corps à une échelle plus vaste ».
Ils proposent de « constitutionnaliser dans une VIe République le droit du pouvoir citoyen à intervenir dans le développement de la recherche scientifique, via des Forums des Sciences et de la Technologie [...] créés à la demande des populations concernées ».
Ils proposent de « constitutionnaliser dans une VIe République le droit du pouvoir citoyen à intervenir dans le développement de la recherche scientifique, via des Forums des Sciences et de la Technologie [...] créés à la demande des populations concernées ».
Pour encourager la recherche vis-à-vis des risques, ils proposent « la dissolution de l'ANR [Agence nationale de la recherche], afin de faire cesser le financement par projets concurrentiels, et d'attribuer des financements globaux sur besoin ».
Ils considèrent que « grâce aux nanotechnologies, des progrès considérables sont attendus notamment en matière médicale » mais soulignent les risques pour la santé humaine et l'environnement, parlant d'un « thème politique de toute première importance », et pour les libertés individuelles. De ce fait, ils jugent nécessaire de « placer sous très haute surveillance les nanotechnologies » et de ne « déterminer les éventuelles autorisations ciblées, ainsi que le champ de l’interdiction » qu'après une « campagne d’information et de réflexion collective » au cours de laquelle un moratoire s’imposera.
Finalement, ils voient les nanotechnologies « comme une opportunité de lancer le débat [qu'ils souhaitent] voir se réaliser dans les Forums citoyens des Sciences et de la Technologie, afin de discuter les techniques, leurs progrès, leurs implications, leur sens, et de les soumettre au jugement du débat public, les mesurer à l’aune de l’intérêt général », et de « faire progresser une véritable démocratie participative ».
Finalement, ils voient les nanotechnologies « comme une opportunité de lancer le débat [qu'ils souhaitent] voir se réaliser dans les Forums citoyens des Sciences et de la Technologie, afin de discuter les techniques, leurs progrès, leurs implications, leur sens, et de les soumettre au jugement du débat public, les mesurer à l’aune de l’intérêt général », et de « faire progresser une véritable démocratie participative ».
François Hollande, PS
Face aux controverses, François Hollande indique en premier lieu vouloir favoriser « l’expertise collective, transparente et contradictoire, [...] une expertise dégagée des conflits d’intérêts. Sur des sujets très sensibles cette expertise devra être contradictoire. [...] Je suis favorable à une réforme des systèmes d’expertise ».
Il souligne les promesses et les risques liés aux nanotechnologies. Pour lui, « Il est important que soient largement menées les recherches qui s’imposent sur tout ce qui touche aux conséquences de la généralisation de ces technologies sur notre vie, et en particulier notre santé. [...] Il faut que les études sérieuses sur ces impacts sanitaires soient menées, par des expertises incontestées. C’est vraiment le préalable important à toute prise de décision. Un débat public doit être mené à chaque fois que nécessaire, les associations y ont toute leur place. Et si le risque est avéré, le pouvoir politique, bien informé, peut alors prendre les mesures qui s’imposent. L’alerte citoyenne (associations, ONG…) doit déclencher des études approfondies opérées par des expertises contradictoires et non suspectes d’instrumentalisation par des groupes de pression. Si les risques sont avérés à l’aune de cette expertise, un moratoire peut alors être pris ».
Concernant les débats publics, il considère que « la puissance publique doit avoir à cœur, sur des questions sociétales importantes, d’assurer les conditions d’un débat démocratique, afin de respecter l’expression de la pluralité des voix, et de favoriser la lisibilité et la transparence en mettant à la disposition des citoyens une information claire et non suspecte d’inféodation à des intérêts particuliers ».
François Hollande se montre ouvert à de nouvelles formes de participation des citoyens : « Sur des sujets sensibles comme les nanotechnologies, la biologie de synthèse, les OGM, les bonnes pratiques d’autres pays méritent d’être analysées avant d’être reproduites: conférence de citoyens avec formation préalable par des experts de la Royal Society au Royaume-Uni, conférence de consensus dans les Pays Scandinaves… Je pense que la conférence de citoyens organisée la première fois en 1998 sur les OGM a participé à ce débat public pour renforcer le pouvoir du Parlement sur la question des relations entre la science et la société ».
Il souhaite également « renforcer les pouvoirs de l’Office Parlementaire d’Evaluation des Choix Scientifiques et Technologiques afin que le Parlement soit le lieu du dialogue entre les scientifiques, les citoyens et le législateur ».
Sur notre suggestion d'associer les médias à la réussite des débats publics, il répond : « Les chaînes de télévision et de radio devraient plus aborder les questions des relations entre la science et la société. Je ferai des propositions à ce sujet. L’exemple britannique, avec les publications et sessions de formations organisées pour la Royal Society et les émissions très documentées de chaînes comme la BBC sont un exemple à suivre ».
Eva Joly, EELV
Ces quelques mots résument parfaitement la réponse qu'Eva Joly nous a adressée : « Tout programme de recherche comportant des volets applicatifs devrait faire l’objet d’un encadrement éthique adéquat, et son financement devrait comporter un volet dédié à l’étude des impacts et des conséquences sanitaires ou sociétales de ces techniques. Sur des sujets identifiés comme pouvant comporter des risques, l’organisation de débats pluralistes menant à des décisions opérationnelles et le renforcement de l’information des citoyens devrait être la règle ».
Elle dénonce la politique qui a autorisé depuis plusieurs années la « prédation » de la recherche publique. Pour « mettre en place un nouveau partenariat entre science et société », elle souhaite « mettre en débat public les grands choix en matière scientifique et technologique ». Elle créerait pour cela un « Office national indépendant, financé sur fonds d’État » plutôt que de s'appuyer sur l'actuelle CNDP (Commission nationale du débat public). Elle considère en effet que cette dernière, à l'occasion du débat national sur les nanotechnologies en 2009-2010, « s’est obstinée à ne traiter que la question des risques et à considérer comme acquis – et même nécessaire – un développement sans limite du recours aux nano-objets ». Elle entend « également développer les recherches basées sur une collaboration entre les laboratoires de recherche publics et les organisations de la société civile, comme les Picri en Ile-de-France ».
Pour garantir « une expertise publique autonome et contradictoire, [elle] propose de créer une Haute autorité de l’alerte et de l’expertise, et de permettre de valoriser les missions d’expertise effectuées par les chercheurs publics » et souligne l'importance de « mettre en place un statut véritablement protecteur des lanceurs d’alerte ».
Elle souligne que le principe de précaution « n’est rien sans la volonté politique de le concrétiser » et qu'elle « souhaite le mettre en œuvre concrètement ». Elle explique notamment que la preuve de l’innocuité des produits fournie par les industriels « devrait être passée au crible d’une évaluation indépendante et incontestable : les scandales sanitaires récents (le mediator par exemple) ou plus anciens mais sans fin comme celui de l’amiante montrent bien les faiblesses du système actuel ».
Elle dresse un rapide bilan du dossier des nanotechnologies : « En l’état actuel des connaissances, les conséquences – potentiellement irréversibles – de l’introduction subreptice de nano-objets dans l’environnement et la chaîne alimentaire sont inconnues. Les dangers de certaines substances sont en revanche clairement avérés [...]. Et malgré cela, les mises sur le marché de centaines de produits contenant des nanoparticules de synthèse ne sont précédées d’aucune évaluation d’impact par des experts indépendants, en violation du Principe de précaution [...] et de l’esprit du règlement européen REACH. De plus, les conséquences sociétales de procédés de miniaturisation peuvent également être lourdes, en particulier en termes de protection de la vie privée et de libertés individuelles. Pour l’heure, l’explosion des financements publics et privés ciblés sur le développement des nanotechnologies (souvent au détriment d’autres domaines de recherche) se fait sans réelle réflexion sur leur intérêt sociétal ou sur les risques afférents en matière d’éthique et de libertés. Il s’agit là d’un véritable cas d’école de gestion irresponsable des évolutions scientifiques et technologiques ».
Son programme sur ce dossier comporte : « l’instauration d’un moratoire sur la commercialisation de produits contenant des nanoparticules, suivi de la mise en place d’une autorisation européenne de mise sur le marché des nano-produits (AMMN) » ; le « lancement d’une négociation d’un règlement REACH II pour inclure les spécificités nanos » et l'attribution de « la moitié des financements de recherche sur ces nouvelles techniques, en termes d’équipes et de budgets fléchés sur les questions sanitaires, environnementales et sociales ».
Enfin, « au titre de sa mission de culture scientifique et technique, l’audiovisuel public devrait être partie prenante des grands débats scientifiques et techniques [...] sous l’égide d’un comité scientifique pluraliste ».
François Bayrou, MoDem
N'a pas répondu.
Nicolas Sarkozy, UMP
N'a pas répondu.
Nicolas Dupont-Aignan, Debout la république
La réponse de Nicolas Dupont-Aignan est centrée sur le rôle de l'expert, depuis la recherche jusque dans l'organisation du débat public. Selon lui, « les décisions ne peuvent être prises sur référendum ou débat public mais par des commissions d’experts. [...] Un débat est efficace s’il est organisé avec des experts qui savent de quoi ils parlent et si l’arbitre du débat a la formation suffisante pour relayer les bonnes questions et surtout s’il est objectif. [...] La solution est encore une fois d ’intensifier la recherche à tâtons dans l’obscurité sous contrôle de l’Etat pour faire accroitre la connaissance qui sera source de savoir pour l’enseignement et source d’inventions pour l’innovation ».
Marine Le Pen, FN
Marine Le Pen déclare vouloir mettre un terme aux dérives mercantiles qu'elle juge responsables de « graves disfonctionnements » dans le système d'expertise français et conduisent à des affaires comme celle du Médiator. Elle affirme : « Je mettrai tout en œuvre pour que nous retrouvions un système d’expertise fiable, indépendant, et de haut niveau. [...] C’est l’intérêt national, l’intérêt de chacun des Français qui doit passer avant les intérêts mercantiles ou financiers de tel ou tel groupe industriel. Ce sera un des axes clés de ma politique économique, industrielle et scientifique dans les années à venir ». Elle souhaite notamment que « les sanctions soient extrêmement lourdes et dissuasives ».
Concernant le principe de précaution, elle dénonce son introduction dans la Constitution française, qui imposerait selon elle « de ne rien entreprendre qui soit contraire à ce principe », et qui traduirait « une forme de fétichisme juridique, aussi stupide et inopérant que le fétichisme technologique ». Elle lui préfère « un principe de prudence je dirais même de sagesse, consistant [...] à avoir une vue d’ensemble de chacun des sujets à traiter et à distinguer très nettement ce qui relève de la recherche pure et dure en laboratoire [...] et ce qui relève de l’exploitation commerciale ».
Elle conclut sur la recherche par la question de l'utilité des technologies : « La question fondamentale in fine, est de savoir ce à quoi ces objets technologiques peuvent répondre sur le fond ; ce à quoi ils servent. Est-ce que le but c’est qu’on ait une industrie pharmaceutique ultra-florissante mais que la moitié de la population soit sous psychotrope ? [...] C’est la même chose pour les nanotechnologies : est-il utile d’avoir 25 iPod ? Est-ce que ce n’est pas la preuve d’une très grande détresse humaine, d’un très grand malaise social ? ».
Concernant les nanotechnologies en particulier, elle souligne le danger que représentent les nanoparticules, lesquelles « violent les barrières naturelles » alors que « la nature partout a posé un certain nombre de barrières, de frontières, qui ont leur raison d’être et qu’on ne saurait franchir impunément ».
Sur la contribution des médias au débat public, Marine Le Pen dénonce « les très graves déficits et la très piètre performance de notre système audiovisuel public depuis 30 ans » et « l’immense échec de notre politique culturelle ». Elle promet de faire « tout le nécessaire pour relever le niveau des débats, et proposer aux heures de grande écoute, que ce soit en littérature, en arts ou en sciences, des émissions de qualité et ouvertes au plus grand nombre ».
Jacques Cheminade, Solidarité et progrès
Jacques Cheminade souligne l'importance, dans les systèmes d’expertise, de « rassembler des experts réellement indépendants ». Il prend en exemple le cas du nucléaire, où interviennent plusieurs organismes indépendants qui assurent l'information du public, le contrôle des installations... Selon lui, « il s’agit sans doute du dispositif le plus sérieux au monde dans son domaine ». Il oppose à ce modèle le cas de l'AFSSAPS (l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé qu'il juge « corporatiste » et autorisant « une certaine connivence » avec les laboratoires pharmaceutiques. Il considère que « les systèmes d’expertise européens souffrent de maux analogues à ceux des français et il faudra les corriger de la même façon ».
Dans le cas du nucléaire français, il ajoute : « La seule amélioration que je proposerais serait de nommer en son sein deux membres tirés au sort représentant les citoyens, qui recevraient une formation accélérée en la matière avant de remplir leurs fonctions ».
Dans le cas du nucléaire français, il ajoute : « La seule amélioration que je proposerais serait de nommer en son sein deux membres tirés au sort représentant les citoyens, qui recevraient une formation accélérée en la matière avant de remplir leurs fonctions ».
Concernant le domaine des nanotechnologies, il considère « urgent d’introduire des considérations éthiques en définissant les conditions de son développement, de son encadrement et de son contrôle sur les plans français et européen. [...] Une réelle vision politique d’ensemble est donc nécessaire. Alors que le développement des nanomatériaux est soutenu sur fonds publics, à peine 0,5 % de ces fonds sont consacrés à l’évaluation des risques sanitaires et environnementaux ».
Il propose les mesures suivantes : « engager une réflexion d’ensemble sur l’état de choses et le but des recherches dans ce domaine ; obliger les producteurs, industriels et revendeurs à déclarer la présence de nanoproduits dans ce qui est livré aux consommateurs ; contraindre à consacrer au moins 5 % des fonds publics à l’évaluation des risques sanitaires et environnementaux ; créer une Haute autorité de la sécurité sanitaire et environnementale sur les nanotechnologies et nanomatériaux indépendante, qui devra rapidement décider de ce qui peut être poursuivi et ce qui exige l’introduction d’un éventuel moratoire. »
Concernant le débat public, il met en avant le rôle d'internet qui devrait « devenir un outil d’information et de contestation, dans lequel les arguments des internautes seront comparables, vérifiables et discutés rationnellement, et non livrés aux passions du moment ». Ce rôle serait rendu possible par « un point de référence public, alimenté par des Autorités indépendantes ».
Il faut par ailleurs souligner l'originalité du programme de Jacques Cheminade en science, qu'il a juste évoquée dans la réponse qu'il nous a adressée : son projet de politique d’exploration spatiale.
Pour aller plus loin
L'expression de la démocratie dans le champ des controverses science-société ne passe pas uniquement par l'application constructive du principe de précaution et la participation citoyenne, principes que Sciences et démocratie défend. Elle dépend également des mesures prises en faveur de la recherche scientifique, de l'éducation, des médias... Nous vous invitons à découvrir ce que les candidats en disent aux travers des réponses qu'ils ont données sur ces sujets, via le site de l'opération www.votonspourlascience.fr. Une version synthétique des réponses est également publiée sur le blog du collectif sur lemonde.fr : http://votonsscience.blog.lemonde.fr.
* Pour en savoir plus sur le collectif et l'opération Votons pour la science :http://www.votonspourlascience.fr/a-propos/
Fonte: Sciences et Democratie